Chronique de jurisprudence loi Littoral des mois de septembre et octobre 2023

par | Nov 24, 2023 | Chronique Jurisprudence, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral, Publication | 0 commentaires

Partager  :

Résumé : La chronique de jurisprudence relative à la loi Littoral des mois de septembre et octobre 2023 comporte d’intéressantes décisions sur les notions d’agglomération et de villages existants. On peut notamment relever un arrêt sur la qualification qui doit être donnée à une piscine. Au sommaire également, des décisions sur les espaces proches du rivage, sur la bande littorale de cent mètres et sur les espaces protégés.

Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés

Notion d’extension de l’urbanisation – Le Conseil d’Etat a rappelé que le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions (CE, 3 avril 2020, req. n° 419139. La décision et les conclusions du rapporteur public sont disponibles sur Ariane Web). Le Blog loi Littoral avait commenté cet arrêt.

Dans cette logique, la Cour administrative d’appel de Toulouse juge qu’une piscine de 9 sur 3,40 mètres qui est implantée à quelques mètres d’une habitation n’est pas une extension de l’urbanisation eu égard à sa localisation et à son caractère mesuré (CAA Toulouse, 10 octobre 2023, n° 21TL00861). Cette décision n’est pas sans rappeler celle de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait jugé qu’eu égard à sa localisation et au caractère modeste de ses dimensions une piscine ne constitue pas une extension de l’urbanisation au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA de Bordeaux, 23 février 2021, n° 19BX03643).

Notion d’agglomération et de village – La Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un secteur qui comporte plusieurs dizaines de constructions édifiées de part et d’autre de voies de circulation n’est pas une agglomération ou un village dès lors que l’existence de vastes parcelles demeurées naturelles et les modalités d’implantation des constructions ne caractérisent pas une densité significative. Le jugement du Tribunal administratif de Toulon qui avait annulé le refus de permis de construire opposé par le maire est donc annulé. Le fait que le refus de permis de construire ait été opposé moins de 5 ans après l’autorisation de lotissement est sans effet sur l’application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui n’est pas au nombre des  » dispositions d’urbanisme nouvelles  » au sens de l’article L. 442-14 du même code (CAA Marseille, 14 septembre 2023, n° 21MA04772).

Les parcelles n° BM 36 et 40 sur la commune de Saint-Cyr-Sur-Mer (photographie aérienne interactive Géoportail)

La Cour administrative d’appel de Lyon juge que le secteur des Combes qui ne comporte qu’une quinzaine de constructions n’est pas une agglomération ou un village. Il est en outre séparé de l’agglomération de Brison-Saint-Innocent avec laquelle il n’est donc pas en continuité (CAA Lyon, 26 septembre 2023, n° 21LY01889).

Le secteur des Combes (à l’est) sur la commune de Brison-Saint-Innocent

Appréciation de la continuité avec une agglomération – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le permis de construire qui autorise de nouveaux bassins et constructions dans le prolongement de la station d’épuration de la communauté de communes du Pays Fouesnantais est conforme aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La Cour relève que les nouvelles constructions se situent dans le prolongement de la station d’épuration existante à laquelle elles sont fonctionnellement liées. La station d’épuration se situe à 100 mètres d’une habitation qui n’est séparée de l’agglomération que par une seule parcelle. Dans ces conditions, le projet de construction doit être regardé comme étant en continuité de l’agglomération (CAA Nantes, 10 octobre 2023, n° 21NT01607).

Appréciation de la continuité avec une agglomération – Par un arrêté du 29 juin 2020, le maire de Neufchâtel-Hardelot a délivré un permis de construire quatre immeubles d’habitations collectives comportant 27 logements sur trois étages ainsi que 278 places de stationnement. Le terrain d’assiette du projet est situé au sud de la résidence le Grand Large. La Cour relève que la résidence « Grand large » est bordée d’espaces naturels non bâtis et constitue la seule habitation implantée en cet endroit à l’alignement sud de l’avenue du Général de Gaulle qui dessert également au sud la base nautique située au bord du rivage et au nord plusieurs immeubles d’habitation collective présentant trois à cinq étages. Elle ajoute que la zone urbaine qui s’étend plus au nord de cette voie publique comporte, en front de mer, plusieurs autres résidences d’habitation collective de trois à huit étages. Dans ces conditions, eu égard au nombre et à la densité significatifs des constructions dans le secteur urbanisé, celui-ci doit être regardé comme une agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Douai, 21 septembre 2023, n° 22DA01587).

Les parcelles AY 154 et 156 sur la commune de Neufchâtel-Hardelot – la résidence Le Grand Large est située au sud de l’avenue du Général De Gaulle. La base nautique est sur la parcelle 155 (photographie aérienne interactive Géoportail)

Absence d’obligation d’étendre l’urbanisation – La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme n’ont pas pour effet d’imposer l’ouverture à l’urbanisation d’un terrain jouxtant une agglomération (CAA Bordeaux, 10 octobre 2023, n° 21BX04355).

Espaces proches du rivage

Notion d’espace proche du rivage – En 2004, le Conseil d’État a rappelé que la délimitation des espaces proches du rivage devait reposer sur des critères de co-visibilité, de distance et de nature des espaces (CE, 3 mai 2004, n° 251534, Barrière). Cette définition a été affinée à l’occasion d’un recours dirigé contre la DTA des Bouches-du-Rhône. A cette occasion, le Conseil d’État a rappelé que pour déterminer si une zone peut être qualifiée d’espace proche du rivage, trois critères doivent être pris en compte : la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la co-visibilité entre cette zone et le plan d’eau (CE, 3 juin 2009, n° 310587, Commune de Rognac). Conformément à ces principes, un terrain situé à moins de 200 mètres du rivage qui en est séparé par des espaces naturels ou peu bâtis et qui est visible de la mer est situé dans un espace proche du rivage (CAA Douai, 21 septembre 2023, n° 22DA01587).

Délimitation par le SCOT – L’arrêt commune de Landéda (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda) a rappelé que la loi Littoral devait être appliquée en tenant compte des précisions apportées par le SCOT. Pour appliquer ce principe, la Cour administrative d’appel de Douai juge qu’un SCOT délimite avec suffisamment de précision les espaces proches du rivage même s’ils ne sont pas identifiés à la parcelle (CAA Douai, 21 septembre 2023, n° 22DA01587).

Notion d’extension de l’urbanisation – Le Conseil d’Etat a rappelé que l’extension d’une construction existante n’était pas une extension de l’urbanisation au sens des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l’urbanisme. L’extension de 9,86 mètres carrés d’une construction existante disposant d’une surface de plancher de 95,42 mètres carrés n’est donc pas une extension de l’urbanisation. Toutefois, l’extension d’un abri de jardin édifié sans autorisation après l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 1943 qui a instauré le permis de construire ne peut pas être regardé comme la simple extension d’une construction existante (CAA Marseille, 14 septembre 2023, n° 22MA00659). Le refus de permis de construire opposé par le maire est donc annulé mais seulement en tant qu’il porte sur l’extension de la construction existante légalement édifiée.

La Cour administrative d’appel de Douai juge qu’un projet qui consiste à édifier quatre immeubles d’habitation collective, comportant chacun 27 logements répartis sur trois étages ainsi que 278 places de stationnement qui sera bordé par les résidences  » Grand large  » et  » Plein sud  » qui comportent chacune une centaine de logements et de vastes parcs de stationnement ne modifie pas les caractéristiques du quartier conformément au principe de la jurisprudence Soleil d’Or (CAA Douai, 21 septembre 2023, n° 22DA01587). Le projet est visible sur le site de l’association Hardelot – Protection du littoral et de l’environnement. Le recours contre le permis de construire est donc rejeté.

Bande littorale de 100 mètres

Notion d’espace urbanisé – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le lieu-dit  » Le Gardeno « , lequel est séparé du centre-bourg de l’Ile-de-Bréhat par de vastes parcelles non bâties, à l’état naturel ou à vocation agricole et comprend une vingtaine de constructions d’habitation individuelles implantées sur de vastes parcelles. Le secteur d’implantation du projet ne présente ainsi pas un nombre et une densité significatifs de constructions et ne peut être regardé comme un espace urbanisé au sens des dispositions précitées de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme. Le permis de construire autorisant l’extension de 30 mètres carrés d’une construction existante est donc annulé (CAA Nantes, 10 octobre 2023, n° 21NT02179).

Les parcelles n° AC 227, 230 et 396, au bord du rivage au sud est, sur la commune de l’ile-de-Bréhat (photographie aérienne interactive Géoportail)

Notion d’espace urbanisé – Par un arrêté du 12 mars 2020, le Maire de Carqueiranne avait autorisé la construction d’un hôtel, d’un centre de remise en forme et un centre de sensibilisation à l’environnement au 930 Avenue de Font-Brun. La Cour administrative d’appel de Marseille juge que le terrain d’assiette du projet n’est pas situé dans un espace urbanisé de la bande de cent mètres. La Cour relève que le terrain de 9 500 mètres carrés ne supporte qu’une habitation dont l’emprise au sol est d’environ 500 mètres carrés laissant ainsi libres, malgré quelques espaces extérieurs aménagés, d’importantes zones naturelles. La Cour ajoute que les propriétés voisines à l’ouest, et dans une moindre mesure à l’est, sont également dispersées tandis qu’au nord-ouest ont été préservés de vastes espaces naturels. Le permis de construire est donc annulé (CAA Marseille, 26 octobre 2023, n° 22MA03082).

Les parcelles 81 et 82 sur la commune de Carqueiranne (photographie aérienne interactive Géoportail)

Préservation des coupures d’urbanisation

Valeur juridique des coupures d’urbanisation – Conformément à une jurisprudence constante, la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle qu’un refus de permis de construire ne peut pas être justifié par l’existence d’une coupure d’urbanisation dès lors qu’elle n’est pas prévue par un PLU. Les dispositions de l’article L. 121-22 du code de l’urbanisme ne sont en effet opposables qu’aux documents d’urbanisme (CAA Marseille, 14 septembre 2023, n° 22MA00659).

Exposition au recul du trait de côte

Rejet du recours contre l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte – Le Conseil d’Etat a rejeté le recours contre l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte. L’arrêt considère notamment que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérant n’a pas de caractère sérieux et ne justifie donc pas la saisine du Conseil Constitutionnel (CE, 13 octobre 2013, n° 464202, Association nationale des élus du littoral et association des maires de France).

Espaces remarquables et caractéristiques

Notion d’espace remarquable – prise en compte du site classé et d’une ZNIEFF – La protection des espaces remarquables et caractéristiques du littoral est organisée par les articles L. 121-23 à 26 et R. 121-4 à 6 du Code de l’urbanisme. Ces dispositions imposent aux documents d’urbanisme et aux décisions liées à l’occupation du sol de préserver les espaces terrestres et marins, remarquables et caractéristiques du patrimoine naturel ou culturel du littoral et nécessaires aux équilibres écologiques littoraux. L’article L.121-23 du Code de l’urbanisme énumère les espaces susceptibles d’être ainsi préservés. Cet inventaire a été complété par l’article R. 121-4 du Code de l’urbanisme dont la première version est issue du décret du 20 septembre 1989 qui a été modifié par le décret du 21 mai 2019. La jurisprudence rappelle de manière constante que l’existence d’une protection doit être prise en compte pour apprécier le caractère remarquable d’un espace. Cela a été jugé pour les parties naturelles des sites inscrits ou classés (CE, 29 juin 1998, n° 160256, Chouzenoux – CAA Douai, 28 mai 2015, n° 13DA01600, SARL Le pré du Loup), pour les ZNIEFF ou les zones Natura 2000 (CE, 3 sept. 2009, n° 306298, Commune de Canet-en-Roussillon).

Conformément à ce principe, la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un terrain situé dans le périmètre du site classé du Cap Bénat et inclus dans la ZNIEFF de type II des Maures littorales peut être classé en espace remarquable par le PLU (CAA Marseille, 14 septembre 2023, n° 22MA00738).

Share

À PROPOS

Présent à Brest et à Paris, le cabinet d’avocats LGP conseille collectivités, professionnels et particuliers en droit public et en droit de l’urbanisme. Plus de 30 années de pratique nous ont permis d’avoir une expertise sur la loi Littoral. Ce blog nous permet de partager nos connaissances et notre passion pour cette matière.

SUIVEZ NOUS

NOTRE  BLOG SUR LE  DROIT DE L’URBANISME

NOTRE  BLOG COMMANDE  PUBLIQUE ET URGENCE SANITAIRE

NOS DERNIÈRES PUBLICATIONS