Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de novembre 2023

par | Jan 22, 2024 | Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral, Publication | 0 commentaires

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Résumé : Au sommaire de la chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de novembre 2023, plusieurs arrêts sur la notion d’extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et les villages existants. A noter en particulier, un arrêt du Conseil d’Etat qui illustre la distinction entre extension de l’urbanisation et extension d’une construction.

Responsabilité

Responsabilité de l’Etat en cas de délivrance d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel illégal – Par un arrêté du 29 juin 1999, le Préfet du Finistère avait délivré un certificat d’urbanisme pré-opérationnel positif. L’acquisition d’une parcelle pour 11 608,74 euros s’en était alors suivie. Toutefois, le 26 octobre 2011, le maire, agissant au nom de l’Etat, avait délivré un certificat d’urbanisme négatif pour la construction d’une maison d’habitation. La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le terrain d’assiette du projet ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village existant au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Elle en tire alors la conclusion logique que la délivrance du certificat d’urbanisme positif constitue une faute de nature à entraîner la responsabilité de l’Etat. La Cour ajoute que le propriétaire du terrain en cause a en principe droit à une indemnité égale à la différence entre, d’une part, le prix qu’il a versé pour l’acquisition du terrain litigieux, y compris les frais annexes utilement exposés et, d’autre part, la valeur vénale du même terrain, appréciée à la date à laquelle il a été établi que ce terrain est inconstructible. La valeur de la parcelle étant aujourd’hui de 2 952,00 euros, le propriétaire est indemnisé de la différence de valeur (CAA Nantes, 28 novembre 2023, n° 21NT02254).

La parcelle YA 237 sur la commune de Plouhinec (Finistère)

Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés

Notion d’extension de l’urbanisation – Reconstruction d’une ruine – La Cour administrative d’appel de Marseille juge que la réhabilitation d’une ruine dont il ne reste que deux façades et non l’essentiel des murs porteurs est une construction nouvelle qui entraîne une extension de l’urbanisation (CAA Marseille, 21 novembre 2023, n° 22MA0002). Cet arrêt peut être rapproché de celui rendu par la Cour administrative d’appel de Nantes qui avait jugé que la restauration d’un bâtiment qui avait conservé ses deux façades nord et sud ainsi que ses murs pignons est et ouest, dont seuls les sommets sont partiellement effondrés n’était pas une extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 10 janvier 2023, n° 21NT00096).

Notion d’extension de l’urbanisation – Agrandissement des constructions – Le Conseil d’Etat a rappelé que le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions (CE, 3 avril 2020, req. n° 419139. La décision et les conclusions du rapporteur public sont disponibles sur Ariane Web). Le Blog loi Littoral avait commenté cet arrêt. Faisant application de ce principe, la Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que l’extension d’une construction existante qui passait de 58,01 mètres carrés à 85,27 mètres carrés (soir 65 % d’augmentation compte tenu de la démolition d’un local technique) et la construction d’une piscine étaient une simple construction et non pas une extension de l’urbanisation. Le blog avait rapporté cette décision dans la chronique du mois de janvier 2023.Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Marseille alors au motif que que par son ampleur et la modification apportée à la construction existante, le projet ne pouvait être regardé comme un simple agrandissement mais bien comme une extension de l’urbanisation (CE, 29 novembre 2023, n° 470858).

Notion d’extension de l’urbanisation – Défrichement – La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que si l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme rend les dispositions de la loi Littoral insérées dans le code de l’urbanisme applicables aux défrichement, ces dispositions n’ont pas pour effet de soumettre un arrêté de défrichement aux dispositions relatives à l’extension de l’urbanisation de l’article L. 121-8 du même code. Ces dispositions ne sont applicables qu’aux décisions qui autorisent une construction (CAA Bordeaux, 23 novembre 2023, n° 21BX04523).

Notion d’agglomération ou de village existant – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le lieu-dit Penteven sur la commune de Plouhinec dans le département du Morbihan comporte une trentaine de constructions dispersées le long des voies publiques. Ce secteur ne peut donc pas être qualifié d’agglomération ou de village existant et c’est à bon droit que le maire a refusé le permis de construire une maison d’habitation (CAA Nantes, 14 novembre 2023, n°21NT03562)

Les parcelles YA n° 574 et 577 sur la commune de Plouhinec (photographie aérienne interactive Géoportail)

Notion d’agglomération ou de village existant – zones d’activités – La jurisprudence admet qu’une zone d’activité peut constituer une agglomération ou un village existant. Encore faut-il qu’elle comporte un nombre et une densité significatifs de constructions ou une emprise significative. La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que la zone d’activité du Pingouleau sur la commune de Saint-Vivien-du-Médoc ne remplit pas ces conditions dès lors qu’elle ne comporte que cinq commerces et est entourée de toutes parts de parcelles à l’état naturel et pour la plupart boisées (CAA Bordeaux, 8 novembre 2023, n°21BX03423). Le Blog avait consacré un article à cette question.

Les parcelles D n° 2419, 2423 et 2424 situé au sud ouest de la zone de Pingouleau (photographie aérienne interactive Géoportail)

Appréciation de la continuité avec une agglomération ou un village – La Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un secteur Nt dédié aux activités touristiques et de plein air du PLUI de Marseille Provence applicable à la commune de Cassis respecte l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Si le secteur jouxte, au nord, un espace bâti qui ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village, il fait face, à l’ouest, de l’autre côté de la route de la Bédoule, sur une longueur de 20 à 30 mètres seulement, à un secteur UEc1 correspondant aux zones ouvertes à toutes les activités économiques dans lequel est construit un immeuble et où d’autres bâtiments étaient en cours de construction à la date d’approbation du PLUi. La Cour ajoute que la zone Nt borde aussi, à l’ouest un secteur UV3, délimité en continuité des secteurs précités UEc1 et Ns, la zone UV3 couvrant notamment  » de grands espaces végétalisés urbains à vocation sportive ou de loisirs, sur lesquels des projets de développements complémentaires modérés sont identifiés pour améliorer leur fonctionnement  » (CAA Marseille, 16 novembre 2023, n° 22MA02278).

La zone Nt (à l’est) dont l’annulation était demandée par le Préfet des Bouches-du-Rhône (sources : Métropole de Marseille (planche PLUI Est 18) et géoportail)

Notion d’extension de l’urbanisation – Par un arrêté du 3 septembre 2018, le maire de la commune d’Andernos-les-Bains avait autorisé la rénovation et l’extension d’une construction située au 4, allée des Mouette (Parcelle BE n° 51). La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le projet, situé dans un espace résidentiel balnéaire, à proximité du centre-ville et entouré de zones bâties, appartient à une zone urbanisée agglomérée de la commune d’Andernos-les-Bains. Par suite, cette construction ne constitue pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 2 novembre 2023, n°21BX01567). La conformité du projet aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ne fait pas de doute compte tenu du caractère urbanisé de l’espace dans lequel il s’insère. Le raisonnement de la Cour est toutefois curieux car la Cour estime que le projet n’entraîne pas d’extension de l’urbanisation. La Cour semble ici confondre la notion d’extension de l’urbanisation au sens des espaces proches du rivage et la notion d’extension de l’urbanisation au sens du principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants. Si pour la première, le juge vérifie en effet si un projet élargit ou non le périmètre urbanisé pour le qualifier d’extension de l’urbanisation, ce n’est pas le cas de la seconde où toute construction, même dans un espace bâti, est une extension de l’urbanisation. Le Blog avait fait le point sur cette question.

La parcelle BE n° 51 sur la commune d’Andernos (photographie interactive Géoportail)

Espaces proches du rivage

Notion d’extension limitée de l’urbanisation – Le règlement d’un plan local d’urbanisme qui limite à limite à 20 % l’emprise des constructions dans un secteur et fixe une superficie minimale d’espaces verts et perméables à 40 % de l’unité foncière impose une extension limitée de l’urbanisation (CAA Marseille, 16 novembre 2023, n° 21MA03872).

Bande littorale de cent mètres

Notion d’espace déjà urbanisé – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que bien qu’une parcelle d’assiette se situe à plus de deux kilomètres du centre-bourg, elle s’inscrit au sein d’un secteur comptant au moins une trentaine d’habitations implantées sur plusieurs rangs à partir du littoral et s’organisant autour de plusieurs voies publiques. Elle est donc située dans un espace urbanisé, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions.(CAA Nantes, 14 novembre 2023, n°21NT02589). Cet arrêt est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait rappelé que seuls le nombre et la densité de constructions constituent des critères pertinents pour qualifier un espace d’agglomération ou de village. Dès lors qu’un espace présente de telles qualités, son éloignement du centre historique est sans incidence.(CE, 12 juin 2023, n° 459918, société Bouygues Immobilier).

Les parcelles C n° 99 et 160 sur la commune de Porspoder (photographie aérienne interactive Géoportail)

Aménagement des constructions et installations existantes – Aux termes de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme :  « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement». Le Conseil d’Etat a jugé qu’en dehors des espaces urbanisés, ces dispositions n’ont pas pour objet d’interdire tout aménagement ou réfection des constructions ou installations déjà existantes (CE, 22 juin 2012, n° 331051, Association Languedoc-Roussillon nature environnement). Faisant application de cette jurisprudence, la Cour Administrative d’appel de Marseille juge que la réfection du profilé d’une aire de stationnement existante, le réaménagement de son accès et le creusement de tranchées pour régler un problème hydraulique constituent de simples aménagement d’une installation existante (CAA Marseille, 21 novembre 2023, n° 22M101953).

La parcelle A n° 1338 sur la commune de Pietracorbara (photographie aérienne interactive Géoportail)

Espaces remarquables et caractéristiques

Notion d’espace remarquable – Des parcelles qui surplombent la Rance et qui appartiennent, selon la Cour, à son « patrimoine naturel » peuvent être classées en zone Nplt au titre des espaces remarquables par le PLU de Pleurtuit. La Cour relève par ailleurs que ces parcelles font partie d’un secteur identifié par le SCOT du Pays de Saint-Malo comme potentiellement remarquable (CAA Nantes, 14 novembre 2023, n°21NT02401).

Les parcelles ZI n° 81 et 287 sur la commune de Pleurtuit (sources : commune de Pleurtuit et Géoportail).

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