Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de mars 2023

par | Mai 5, 2023 | Article, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : la chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de février 2023 relève une intéressante décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux sur la notion de commune littorale et plus particulièrement sur la distinction entre les communes riveraines de la mer et riveraines d’un estuaire. Au sommaire également, plusieurs décisions sur la notion d’agglomération et de village existant et sur celle de secteur déjà urbanisé. A noter, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes sur la prise en compte du SCOT pour apprécier le caractère limité d’une extension de l’urbanisation en espace proche du rivage. Merci à Eva et Youenn, élèves de première au Lycée Charles de Foucauld pour avoir contribué à cette chronique pendant leur stage au cabinet LGP !

Notion de commune littorale

L’article L 321-2 du code de l’environnement distingue deux catégories de communes : les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares, d’une part, et, d’autre part, les communes riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. Si les premières sont des communes littorales de plein droit, les secondes ne le sont que si elles sont désignées par l’article R 321-1 du code de l’environnement.

Pour distinguer les communes riveraines de la mer des communes riveraines des estuaires, la jurisprudence se base sur les délimitations intervenues dans les estuaires en application du décret-loi du 21 février 1852 et en particulier sur la limite transversale de la mer qui réparti les régimes juridiques du domaine public maritime et du domaine public fluvial (CE, 14 nov. 2012, Société Néo Plouvien, req. n° 347778). Les communes dont au moins une partie du territoire se situe en aval de la limite transversale de la mer sont donc des communes riveraines de la mer. Les communes dont le territoire est intégralement situé en amont de cette limite et en tout ou partie en aval de la limite de salure des eaux sont riveraines d’un estuaire. Cette solution est constante (CAA Douai, 4 février 2020, SCI JBS, req. n° 18DA00806 et 18DA00807).

Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que la modification des limites transversales de la mer par l’Etat pour faire échapper la commune de Matoury à la loi Littoral est illégale (CAA Bordeaux, 28 mars 2023, n° 22BX02010). Le Blog a commenté cette intéressante décision.

Loi Littoral et PADDUC

La Cour administrative d’appel de Marseille juge que la zone Ne du PLU d’Ajaccio au lieu-dit « Prunelli » ne respecte pas l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme même si la commune soutien que ce secteur est proche de l’aéroport, d’une zone commerciale, d’une station d’épuration, d’un dépôt pétrolier et d’autres constructions (CAA Marseille, 13 mars 2023, n° 21MA02226).

Le secteur Ne de prunelli (Sources géoportail et commune d’Ajaccio)

Au sens du PADDUC, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire, et un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune, ces critères s’appliquant de façon cumulative. La Cour administrative d’appel de Marseille juge que le lieu-dit Castelluccio ne comporte que des bâtiments hospitaliers et ne constitue donc pas une agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme précisées par le PADDUC (CAA Marseille, 13 mars 2023, n° 21MA02149).

Le secteur 2AU de Castelluccio (Sources géoportail et commune d’Ajaccio)

La Cour administrative d’appel de Marseille juge que le lieu-dit Bancarella-Foce Dell’Edera sur la commune de Bonifacio n’est pas une agglomération ou un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme précisé par le PADDUC. Le terrain d’assiette du projet est situé dans une zone d’urbanisation diffuse, caractérisée par l’alternance entre des terrains laissés à l’état naturel et des constructions à usage d’habitation ou de tourisme. La Cour ajoute que le projet de la société appelante, qui vise à démolir trois bâtiments d’une surface de plancher totale de 194 m2 ainsi qu’une piscine pour y édifier un ensemble immobilier de 28 logements, couvrant une surface de plancher totale de 2 074 m2, ne constitue pas le simple agrandissement d’une construction existante mais une construction nouvelle (CAA Marseille, 27 mars 2023, n° 22MA00445).

Les parcelles G 456, 650, 711 et 713 au lieu-dit Bancarella-Foce Dell’Edera sur la commune de Bonifacio (carte interactive géoportail)

Agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés

Notion d’urbanisation – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que la construction dans un camping d’une pataugeoire de 40 cm de profondeur et d’une superficie de 40 mètres carrés et, autour d’elle, d’une terrasse de 232 mètres carrés constitue une extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 17 mars 2023, n° 21NT01098).

La Cour administrative d’appel de Marseille annule le permis de construire tacite délivré par le maire de la commune de Zonza pour un local démontable de petite restauration. Le projet ne peut pas être regardé comme l’agrandissement d’une construction existante dès lors que celle-ci a été édifiée sans autorisation (CAA Marseille, 23 mars 2023, n° 22MA0228).

Notion d’agglomération – De manière pour le moins curieuse, la Cour administrative de Nantes juge que le lieu-dit « hameau aux Piquots » sur la commune de Digosville n’est pas une agglomération ou un village. La Cour relève qu’il comporte environ 60 habitations desservies par les réseaux mais que la densité n’est pas suffisante compte tenu du tissus urbain « aéré » (CAA Nantes, 17 mars 2023, n° 21NT03418). Elle juge qu’il s’agit, en revanche, d’un secteur déjà urbanisé mais annule le permis de construire délivré par le maire dans la mesure où le terrain d’assiette du projet est situé en dehors du périmètre bâti. La décision est particulièrement stricte sur la notion de village et ne reflète pas la position habituelle des juridictions (voir par exemple les décisions de la même juridiction dans la chronique du mois de décembre 2022).

Le lieu-dit « hameau aux Piquots » sur la commune de Digosville. A l’ouest, la parcelle C 0294 (actuelles C 0447 à 0450) – Carte interactive Géoportail

Notion d’agglomération ou de village (camping) – Le camping du havre qui ne comporte que 6 constructions en dur ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La construction d’une pataugeoire est donc interdite (CAA Nantes, 17 mars 2023, n° 21NT01098). Le PLU de la commune de Bernière-sur-Mer est donc incompatible avec les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme lorsqu’il classe trois secteurs du camping du Havre en zone Na, dans laquelle sont admises  » toutes constructions et installations liées ou nécessaires à l’accueil des campeurs « , et en zone Nl permettant  » l’implantation des habitations légères de loisirs  » (CAA Nantes, 17 mars 2023, n° 21NT01102).

Extrait du PLU de la commune de Bernière-sur-mer et vue aérienne du camping du Havre

Notion d’agglomération ou de village (zone d’activité) – La Cour administrative d’appel de Marseille juge que le site industriel de plus de cent hectares exploité par la société Orano sur la commune de Narbonne est caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions (CAA Marseille, 23 mars 2023, n° 19MA05543). Cette décision est logique compte tenu de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat en février dernier sur cette même zone (CE, 17 février 2023, n° 452346, Société Soleil participatif du Narbonnais). Cet arrêt est cité dans la chronique du mois de février.

Secteurs déjà urbanisés – La Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que des terrains situés au lieu-dit « La Chaucre », à 800 mètres du bourg de Saint-Georges d’Oléron, dans un secteur d’urbanisation pavillonnaire diffuse, n’étaient pas en continuité avec une agglomération ou un village (CAA Bordeaux, 19 mai 2020, n° 18BX01683 et 18BX01687, Commune de Saint-Georges d’Oléron – voir l’arrêt illustré dans cet article du Blog). Saisie d’un refus de permis de construire un terrain voisin, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que cet espace constitue un secteur déjà urbanisé au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme modifié par la loi ELAN (CAA Bordeaux, 14 mars 2023, n° 21BX02877).

La parcelle ET n° 447 au lieu-dit « Les Chaucres » sur la commune de Saint-Georges d’Oléron (Carte interactive Géoportail)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le lieu-dit « Les Salles » qui ne comporte que 9 habitations ne peut pas être qualifié de secteur déjà urbanisé (CAA Bordeaux, 23 mars 2023, n° 21BX01203).

Le lieu-dit « Les Salles » sur la commune de Marsilly – Carte interactive Géoportail

Espaces proches du rivage

Notion d’extension de l’urbanisation – Conformément au principe dégagés par le Conseil d’Etat dans la jurisprudence « Soleil d’Or », la Cour administrative d’appel de Marseille juge que le projet de construction d’un ensemble immobilier de 19 logements dans un quartier déjà urbanisé de la commune de Ramatuelle caractérisé par la présence de nombreuses maisons individuelles et d’un ensemble immobilier ne conduit pas à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation. Il ne s’agit donc pas d’une extension de l’urbanisation (CAA Marseille, 20 mars 2023, n° 20MA02622).

Les parcelles AH 3010 et 313. Au sud du Boulevard Patch, l’ensemble immobilier cité par l’arrêt (carte interactive Géoportail)

Notion d’extension limitée de l’urbanisation et prise en compte du SCOT – Jusqu’en 2020, la jurisprudence considérait qu’une opération d’urbanisation présentait un caractère limité dès lors qu’elle ne modifiait pas de manière significative les caractéristiques du bâti avoisinant. Cette appréciation du caractère limité d’une extension de l’urbanisation devait être réalisée en fonction des caractéristiques du quartier, mais pas à l’échelle du territoire couvert par le PLU (CE, 11 avril 2018, Commune d’Annecy, req. n° 399094). Si ces principes demeurent, le Conseil d’Etat leur a apporté une inflexion significative en jugeant que lorsqu’un SCOT comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l’extension de l’urbanisation dans l’espace proche du rivage dans lequel l’opération est envisagée, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte de cette opération s’apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné (CE, 11 mars 2020, Confédération Environnement Méditerranée, req. n° 419861). Cet arrêt très important avait été commenté par le Blog. Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Nantes était saisie d’une déclaration de projet relative à la construction d’un ensemble hôtelier sur un ancien camping situé sur le front de mer de la commune de Saint-Malo. Le SCOT du Pays de Saint-Malo distingue plusieurs catégories d’espace proches du rivage et notamment, « les espaces urbains à enjeux urbains majeurs à développer », à propos desquels le document prévoit que l’extension de l’urbanisation aura pour objet de « renforcer les centralités, en permettant notamment l’augmentation de la densité par rapport à l’existant ». La Cour prend en compte cette disposition et juge que si le projet présente une densité plus élevée que celle de l’espace proche dans lequel il s’insère, cette densification d’une zone déjà urbanisée n’apparaît pas significative, compte tenu notamment de la volonté des auteurs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Malo d’accroître, au sein de ce secteur, la densité par rapport à l’existant (CAA nantes, 7 mars 2023, n° 22NT00181).

Le projet d’hôtel sur le front de mer de Saint-Malo (capture de la vidéo de présentation du projet).

Coupures d’urbanisation

La Cour administrative d’appel de Marseille juge que la zone UD du PLU d’Ajaccio méconnaît l’obligation de préserver des coupures d’urbanisation. La Cour relève que ce secteur de plus de 3 ha sépare deux ensembles d’habitation et constitue ainsi une rupture d’urbanisation. s’il comporte 3 constructions, il présente par ailleurs un intérêt naturel et agricole (CAA Marseille, 13 mars 2023, n° 21MA02226).

La zone UD du secteur de Barbicaja (Sources géoportail et commune d’Ajaccio)

Retrouvez l’intégralité des chroniques de jurisprudence

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