Résumé : Le blog loi Littoral publie une synthèse de la jurisprudence sur la loi littoral de juillet et août 2023. A noter, les suites de l’arrêt avant dire doit qui avait constaté l’illégalité partielle du PLUi du territoire d’Avranches-Mont-Saint-Michel en raison d’incompatibilités avec l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Au programme également, un arrêt du Conseil d’Etat qui censure pour dénaturation des faits la décision de la CAA de Bordeaux refusant de qualifier un espace d’urbanisé au sens de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme.
Loi Littoral et PADDUC
Agglomération et villages – appréciation en fonction du PADDUC – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) précise les modalités d’application de la loi Littoral en application du I de l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales. Le Blog fait régulièrement le point sur ce dispositif. Le PADDUC prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire, et que par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune.
Dans ce contexte, le maire de Galéria avait délivré un permis de construire une résidence de tourisme au lieu-dit Pietraniella. Pour la Cour administrative d’appel de Marseille, le village de Galéria est constitué de plusieurs dizaines de constructions regroupées selon une trame urbaine réduite. Il comprend notamment une mairie, une école, une église, une poste et des commerces. Il constitue ainsi un village au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, telles que précisées par le PADDUC. La Cour ajoute que les quatre maisons à l’est, qui formeraient à elles seules le lieudit Pietraniella, sont situées à moins de trente mètres des constructions du village les plus proches, sur des parcelles contiguës, et sont desservies par le réseau viaire du village. La pente de la colline sur laquelle elles sont construites n’entraîne pas de rupture de l’urbanisation. Il suit de là que le projet, lui-même situé immédiatement à l’Est de ces quatre constructions, est en continuité avec le village existant. La Cour a donc rejeté le recours (CAA Marseille 3 juillet 2023, n° 21MA04728).
Les parcelles AB n° 451 et AC n° 729 au lieu-dit Pietraniella (carte interactive Géoportail)
Agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés
Notion d’extension de l’urbanisation – Par un arrêt avant dire droit du 2 juillet 2022 chroniqué dans le Blog, la Cour administrative d’appel de Nantes avait sursis à statuer sur la demande d’annulation du PLUi du territoire d’Avranches-Mont-Saint-Michel. La Cour avait estimé que plusieurs zonages n’étaient pas compatibles avec l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Par une délibération du 6 avril 2023, la communauté d’agglomération du Mont-Saint-Michel-Normandie a approuvé la modification du PLUi. La Cour administrative d’appel de Nantes devaient alors apprécier si cette modification permettait d’assurer la compatibilité du PLUi avec la loi Littoral.
La Cour administrative d’appel de Nantes avait jugé que la création de zones UZ à dominante d’activités économiques sur les communes de Val-Saint-Pair et de Marcey-les-Grèves ne respectait pas l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. En effet, si les zones d’activités de taille significative peuvent être qualifiées d’agglomération ou de village, ce n’est pas le cas des zones de taille plus réduite. En l’espèce, les zones en cause comportent respectivement une quinzaine et une dizaine de constructions ce qui ne permettait pas de les qualifier d’agglomération ou de village. Le classement en zone Uz qui autorisait les nouvelles constructions est désormais remplacé par un classement en zone Nz qui ne permet plus que les changements de destination et les extensions limitées des constructions existantes. La Cour valide ce zonage puisque qu’il ne permet plus d’extension de l’urbanisation (sur la distinction entre extension de construction et extension de l’urbanisation voir cet article).
Les zones d’activités de Marcey-les-Grèves et de Val-Saint-Père désormais classées en zone Nz (Sources Géoportail et Communauté d’agglomération Mont Saint Michel – Normandie)
Le PLUi avait également créé un hameau nouveau intégré à l’environnement alors que cette possibilité avait été supprimée par la loi ELAN en 2018. La zone 2AUm est donc remplacée par une zone N. Le secteur est par ailleurs classé en zone d’aléa très fort dans laquelle ne sont autorisés que les travaux participant à la réduction de la vulnérabilité au risque de submersion marine par création de niveaux refuge de surface limitée (voir page 16 du règlement). Ce règlement restrictif est compatible avec l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
Le lieu-dit la Caserne qui était était qualifié de hameau nouveau intégré à l’environnement est classé en zone N
Enfin, la zone Ne qui permettait les constructions ou installations nécessaires à des équipements d’intérêt collectif est supprimée au profit d’une zone Nr qui n’autorise que les aménagements légers prévus par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme dans les espaces remarquables.
Le parc de stationnement de la commune de Génet désormais classé en zone Nr au titre des espaces remarquables
Les illégalités initialement relevées ayant été régularisées, la Cour administrative d’appel de Nantes a logiquement rejeté la demande d’annulation du PLUi du territoire d’Avranches-Mont-Saint-Michel (CAA Nantes, 22 juillet 2023, n° 21NT02275).
Notion d’agglomération ou de village – L’arrêt « OPH 64 » (CE, 22 avril 2022, Office public de l’habitat des Pyrénées-Atlantiques, n° 450229) a fait évoluer subtilement la définition de l’agglomération ou du village existant. Alors que l’arrêt « Commune de Porto-Vecchio » les définissait comme les « zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions », le Conseil d’Etat utilise à présent la notion de « secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions ». Cette évolution est purement formelle, elle tire les conséquences de la rédaction de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui autorise les constructions dans les « secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et les villages existants ». Autrement dit, il existe des secteurs déjà urbanisés comportant un nombre et une densité significatifs de constructions qui sont des agglomérations ou des villages pouvant être étendus et d’autres secteurs déjà urbanisés, moins denses, qui ne peuvent être que densifiés.
Pour l’application de ces principes, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le secteur en forme de fer à cheval qui entoure un espace boisé significatif sur la commune de Chaillevette est constitué de constructions édifiées de manière linéaires le long des voies de circulation qui constituent une urbanisation diffuse. La Cour confirme donc l’annulation du certificat d’urbanisme positif (CAA Bordeaux, 18 juillet 2023, n° 22BX00082).
Le secteur en forme de fer à cheval sur la commune de Chaillevette. La parcelle C n° 1129 est située dans l’angle est, sous le chemin des bois (carte interactive Géoportail)
Notion d’agglomération – prise en compte du SCOT – Le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de la loi Littoral et de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui en est issu devait être appliquée en tenant compte des dispositions du SCOT (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda). La jurisprudence a ainsi mis en place un mécanisme original aux termes duquel la loi Littoral s’applique directement aux décisions liées à l’usage du sol en même temps que les dispositions de la dite loi telles que précisées par le SCOT. Le SCOT du pays de Brest dont la modification a été approuvée le 19 novembre 2019 dispose que les bourgs des communes sont considérés comme des agglomérations au sens de l’article L. 121-8. La cartographie du DOO localise ces agglomérations.
Extrait du DOO du SCOT du Pays de Brest – L’agglomération de Plouzané est située à l’ouest de Brest (source : pays de Brest)
C’est dans ce contexte que le maire de la commune de Plouzané a délivré un permis d’aménager un lotissement de 72 lots au lieu-dit Kérézoun. La Cour rejette le moyen tiré de la violation de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme au motif que le SCOT identifie l’agglomération de Plouzané et que DOO prévoit que les documents d’urbanisme locaux favorisent les opérations de densification au sein des agglomérations et peuvent également prévoir de nouvelles zones à urbaniser en extension des agglomérations. La Cour relève également que les parcelles d’assiette du projet se situent au sud du centre-bourg de Plouzané, lequel se caractérise par un nombre très important et une forte densité de constructions d’habitation, de commerces et de services. Le projet contesté doit dès lors être regardé comme une extension de l’urbanisation réalisée en continuité avec l’agglomération de Plouzané, dont il n’est séparé que par une voie de circulation étroite (CAA Nantes, 25 juillet 2023, n° 22NT02307). La décision est sans surprise puisque la Cour administrative d’appel de Nantes avait déjà jugé que ce secteur constituait une agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 8 novembre 2019, n° 19NT00365).
Les parcelles BP n° 1, 2, 4, 118 et 152 au lieu-dit Kerezoun (carte interactive géoportail)
Espaces proches du rivage
Notion d’extension de l’urbanisation – Par un arrêté du 4 février 2021, la maire de Mimizan avait délivré un permis de construire deux immeubles comprenant 17 logements pour une surface de plancher de 980 mètres carrés. Les requérants ont demandé l’annulation de cette décision au motif que le projet entraînerait une extension non limitée de l’urbanisation en espace proche du rivage. La mise en oeuvre de ce dispositif suppose de répondre à plusieurs questions successives : Le terrain est-il en espace proche du rivage ? Le projet entraîne t-il une extension de l’urbanisation ? Si oui, cette extension est-elle limitée et justifiée par le PLU ou le SCOT ? Le Blog avait consacré un article à cette méthode.
Comme le relève la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le terrain d’assiette du projet est situé à une centaine de mètres du rivage et en co-visibilité avec l’océan. Il fait donc partie des espaces proches du rivage conformément aux principes établis par la jurisprudence « Commune de Rognac » (CE, 3 juin 2009, n° 310587, Commune de Rognac).
Pour vérifier si un projet entraîne une extension de l’urbanisation, le Conseil d’Etat a jugé qu’il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, d’examiner si le projet qui lui est soumis, élargit le périmètre urbanisé ou conduit à une densification sensible des constructions (CE, 12 mars 2007, n° 280326, Commune de Lancieux). Cet arrêt reprend le principe posé par la jurisprudence « Société Soleil d’or » (CE, 7 février 2005, n° 264315, Société Soleil d’or et Commune de Menton). Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le projet, situé non loin de deux bâtiments de logements collectifs en R+2, qui consiste en deux bâtiments en R+2 et qui comporte 17 logements, ne peut être regardé, en tenant compte des dispositions du schéma de cohérence territoriale du Born, comme augmentant sensiblement la densité des constructions du secteur ni, plus largement, comme modifiant de manière importante les caractéristiques du quartier (CAA Bordeaux, 4 juillet 2023, n° 22BX02527).
L’arrêt n’est toutefois pas très clair car il mobilise le SCOT pour vérifier si le projet entraîne une extension de l’urbanisation alors que ce document n’est normalement pris en compte que pour vérifier la caractère limité de cette extension (CE, 11 mars 2020, n° 419861, Confédération Environnement Méditerranée).
La parcelle AA n° 31 sur la commune de Mimizan (carte interactive Géoportail)
Bande littorale de cent mètres
Notion d’espace urbanisé – contrôle en cassation – Par un arrêt du 17 décembre 2021, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait confirmé l’annulation par le Tribunal administratif de Bordeaux du permis de construire une maison d’habitation au lieu-dit le Petit Moutchic sur la commune de Lacanau. Le Blog avait commenté cet arrêt. La Cour avait relevé que le quartier du Moutchic comporte une soixantaine d’habitations individuelles de type pavillonnaire situées le long des voies publiques de l’allée du petit Moutchic et de l’avenue de la Plage, ainsi que quelques restaurants, des équipements nautiques et un camping. Elle avait toutefois ajouté que ce quartier d’urbanisation diffuse est éloigné des agglomérations de Lacanau Océan et du bourg de Lacanau et qu’il ne saurait donc être regardé comme un village au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme dès lors qu’il ne constitue pas un espace urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions.
Le 5 allée du Petit Moutchic sur la commune de Lacanau (carte interactive géoportail)
En cassation, le Conseil d’Etat exerce un contrôle de l’erreur de droit et de la dénaturation sur l’appréciation du caractère urbanisé d’un espace. Il peut donc censurer l’arrêt d’une cour administrative d’appel soit si les critères mis en œuvre sont inadaptés, soit si l’appréciation des faits est de toute évidence erronée. C’est ce que fait le Conseil d’Etat dans sa décision du 12 juillet (CE, 12 juillet 2023, n° 461518, Commune de Lacanau). Il relève que le quartier du Moutchic, présenté dans le document d’orientation générale du schéma de cohérence territoriale des lacs Médocains comme urbanisé depuis 1922, « pensé et conçu comme une station lacustre à part entière », à l’inverse des autres espaces d’urbanisation qui se sont développés autour du lac, compte plus de deux cents habitations ainsi que treize commerces dont quatre ouverts à l’année, regroupés le long de l’avenue de la Plage et de l’allée du petit Moutchic.
Notion d’espace urbanisé – En 2018, le Conseil d’Etat a rappelé que « ne peuvent déroger à l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces » (CE, 21 juin 2018, req. n° 416564). La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le terrain d’assiette du permis d’aménager un lotissement de deux lots délivré par le maire de Lancieux est entouré, à une seule exception s’agissant d’un chemin piéton, de nombreuses parcelles supportant des constructions à usage d’habitation. La Cour relève que nombre de ces maisons sont implantées de manière dense sur des parcelles qui sont pour certaines d’une superficie réduite. Elle rejette par conséquent le moyen tiré de la violation de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 25 juillet 2023, n° 21NT02505).
La parcelle AC n° 187 située 14, rue du Moine sur la commune de Lancieux (carte interactive géoportail)
Espaces remarquables et caractéristiques
Notion d’espace remarquable – La jurisprudence rappelle de manière constante que l’existence d’une protection doit être prise en compte pour apprécier le caractère remarquable d’un espace. Cela a été jugé pour les parties naturelles des sites inscrits ou classés (CE, 29 juin 1998, n° 160256, Chouzenoux – CAA Douai, 28 mai 2015, n° 13DA01600, SARL Le pré du Loup), pour les ZNIEFF ou les zones Natura 2000 (CE, 3 sept. 2009, n° 306298, Commune de Canet-en-Roussillon). Le classement en espace remarquable de la loi Littoral d’un espace protégé au titre d’une autre législation n’est toutefois pas automatique. Ainsi, la circonstance que des parcelles soient situées dans un site classé ne justifie pas leur classement en espace remarquable dès lors que l’espace est anthropisé par des résidences mobiles de loisirs (CAA Bordeaux, 29 juin 2017, n° 15BX00687, Collectif de la Fauche Prère Ouest).
Conformément à ces principes, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le secteur d’un seul tenant constitué des parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223, d’une superficie modeste d’environ 1 500 m² est situé au sein d’une zone fortement urbanisée à l’est, au nord et à l’ouest, à proximité du centre-bourg de la commune de Bois-Plage-en-Ré, et s’ouvre au sud sur un secteur plus vaste s’étirant jusqu’au rivage, classé en zone Nr. Ces parcelles ne peuvent donc pas être protégées au titre des espaces remarquables de la loi Littoral (CAA Bordeaux, 18 juillet 2023, n° 22BX00863).
Les parcelles AM 218, 220, 222 et 223 classées en zone Nr par le PLUi de la Communauté de communes de l’Ile de Ré (sources Géoportail et Communauté de communes de l’Ile de Ré).