Chronique de jurisprudence loi Littoral mois de février 2024

par | Avr 10, 2024 | Chronique Jurisprudence, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral, Publication | 0 commentaires

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Résumé : la chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de février 2024 comporte plusieurs décisions sur le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants qui continue à alimenter le contentieux relatif à la mise en œuvre de la loi Littoral. A noter également, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui statue après renvoi du Conseil d’Etat sur la centrale photovoltaïque de Narbonne près de l’usine exploitée par Orano.

Agglomérations, villages et autres secteurs urbanisés

Notion d’extension de l’urbanisation – Téléphonie Mobile – Conformément au principe posé par le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un relais de téléphonie mobile entraîne une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 6 février 2024, n° 23MA00387).

Le terrain d’assiette du projet de relais de téléphonie – parcelle B n° 1086 sur la commune de Conca (photographie aérienne interactive Géoportail)

Notion d’agglomération et de village existant – Prise en compte du PADDUC – Le PADDUC joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la loi Littoral puisque dès lors qu’il comporte des dispositions suffisamment précises, la loi Littoral doit être appliquée à travers les précisions qu’il apporte tant vis-à-vis des documents d’urbanisme de rang inférieur que des décisions liées à l’usage du sol. La jurisprudence a toutefois précisé que ce rôle de prisme ne pouvait jouer qu’à la condition que les dispositions qui mettent en oeuvre la loi Littoral soient à fois suffisamment précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juillet 2010, ministre de l’Écologie du Développement et de l’aménagement Durables, req. n° 313768).

Le Blog Loi Littoral a régulièrement commenté la mise en œuvre de ce dispositif. Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Marseille confirme la légalité d’un refus de permis de construire un immeuble de bureaux et d’habitation au lieu-dit « Poretta » sur la commune de Porto-Vecchio. Pour la Cour, si le secteur « comporte un nombre assez conséquent de maisons à usage d’habitation, et qu’il est desservi par les réseaux routiers, d’eau et d’électricité, il n’en demeure pas moins qu’il comporte des zones naturelles significatives, pour la plupart boisées, notamment sur la parcelle mitoyenne située à l’Ouest du terrain d’assiette, qui le sépare de la zone densément urbanisée située de l’autre côté de la voie marquant une rupture physique entre les deux zones. De tels espaces naturels se retrouvent également au Nord et à l’Est des quelques constructions situées, il est vrai, à proximité immédiate du terrain d’assiette du projet, mais qui ne peuvent être regardées comme constituant une agglomération ou un village au sens du PADDUC. Une telle caractérisation ne saurait davantage être conférée aux quelques bâtiments situés sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet par le Sud, essentiellement affectée à l’accueil de bateaux et jouxtant elle-même par son côté Sud un important espace naturel la séparant physiquement de tout village ou agglomération » (CAA Marseille, 6 février 2024, n° 23MA00206).

La parcelle AK 530 sur la commune de Porto-Vecchio (photographie aérienne interactive Géoportail)

Notion d’agglomération et de village existant – Prise en compte du PADDUC – Toujours dans le contexte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme mis en œuvre par le PADDUC, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que les parcelles cadastrées section AD nos 37 et 38 sont restées à l’état naturel et sont vierges de toute construction. Elles se situent sur une colline, dans le secteur de Tinnarella, à proximité de la mer. Alors même que les deux parcelles en cause feraient encore partie d’un lotissement, ce secteur, qui, bien qu’équipé en réseaux publics, ne comporte aucun lieu public, se caractérise par un habitat diffus entrecoupé d’espaces boisés et dont la forme ne présente pas de fonction structurante à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire et qui ne saurait être assimilé à une agglomération ou un village au sens du premier alinéa des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme telles que précisées par le PADDUC (CAA Marseille, 6 février 2024, n° 22MA02902). C’est donc à bon droit que le maire s’est opposé à la déclaration préalable en vue d’une division du terrain.

Les parcelles AD n° 37 et 38 (anciennement A n° 3854 et 3855) au lieu-dit Tinarella sur la commune de Grosseto-Prugna (photographie aérienne interactive Géoportail)

Notion d’agglomération et de village existant – continuité avec une zone d’activités – Par un arrêt du 9 mars 2021 commenté et illustré dans le Blog Loi Littoral, la Cour administrative d’appel de Marseille avait annulé le permis de construire un parc photovoltaïque à proximité d’une usine exploitée par Orano, sur la commune de Narbonne. La Cour avait estimé que la zone d’activité ne pouvait pas être qualifiée d’agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Cet arrêt avait été annulé par le Conseil d’Etat qui avait au contraire estimé que cette « vaste zone industrielle de plus de cent hectares, (…) avec 24 hectares de surface bâtie comportant plusieurs bâtiments, et une dizaine de bassins de décantation et d’évaporation » comporte un nombre et une densité significatifs de constructions (CE, 17 février 2023, n° 452346, Société Soleil participatif du Narbonnais). Saisie à nouveau de l’affaire, la Cour administrative d’appel de Marseille reprend à son compte l’analyse du Conseil d’Etat et rejette le recours contre le parc photovoltaïque (CAA Marseille, 15 février 2024, n° 23MA00413). La décision est sans surprise car la Cour avait déjà tiré les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat à propos d’un permis de construire délivré dans le prolongement de la même zone en vue de l’édification d’une installation de traitement des nitrates (CAA Marseille, 23 mars 2023, n° 19MA05543).

Le site de l’usine Orano sur la commune de Narbonne (image interactive Géoportail)

Continuité avec une agglomération ou un village – appréciation à l’échelle du SCOT – Par un jugement du 7 avril 2022, le Tribunal administratif de la Martinique avait annulé partiellement la décision du Président de la communauté d’agglomération de l’Espace Sud Martinique (CAESM) refusant d’abroger le SCOT de l’Espace Sud Martinique (TA de la Martinique, 7 avril 2022, n° 2100118). Par un arrêt du 11 octobre 2022 chroniqué par le Blog loi Littoral, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait toutefois partiellement suspendu les effets de ce jugement. Statuant cette fois au fond, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme, contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal, que la zone d’activité de Céron et le projet de Golf de Grand Fond respectent les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La Cour relève à cette fin que le document d’orientation et d’objectif du SCOT prévoit que ces projets sont conditionnés au respect d’un principe de continuité avec l’urbanisation. A son échelle, le SCOT est donc compatible avec les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La Cour confirme, en revanche, l’illégalité des dispositions du SCOT permettant des constructions dans le cadre de projets agritouristiques en dehors des agglomérations et des villages existants. Pour la Cour, seules les constructions nécessaires aux activités agricoles peuvent déroger au principe de continuité dans les conditions prévues par l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme. Le Blog loi Littoral avait fait le point sur cette question des activités agricoles dans les communes littorales.

Continuité avec une agglomération ou un village – présence d’une route – Une route peut parfois entraîner une rupture dans la continuité avec une agglomération ou un village existant. C’est le cas lorsqu’elle sépare deux compartiments de terrains distincts. Le Blog avait fait une synthèse de la jurisprudence en la matière. Saisie de la légalité d’un permis de construire modificatif portant sur la construction de 52 logements et divers équipements, la Cour administrative d’appel de Bordeaux relève que le terrain d’assiette du projet apparaît comme situé en continuité d’un secteur bâti situé à l’ouest, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de construction, même s’il en est séparé par une rue et que quelques boisements sont implantés en bordure de la parcelle, le long de cette rue (CAA Bordeaux, 26 février 2024, n° 24BX00069). Dans cette affaire, le juge a considéré que le permis de construire modificatif entraînait des changements tels qu’il devait en réalité être analysé comme un nouveau permis de construire.

La parcelle BZ n° 41 sur la commune de Biarritz (photographie interactive Géoportail)

Continuité avec une agglomération ou un village – La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un projet de 45 logements autorisé par le maire de Saint-Palais-sur-Mer respecte l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dès lors qu’il se situe en continuité à l’ouest, au nord et au sud, de secteurs urbanisés de la commune de Saint-Palais-sur-Mer. La circonstance que le terrain d’assiette s’ouvre, à l’est, sur un vaste espace naturel est sans incidence (CAA Nantes, 6 février 2024, n° 22BX02267).

Continuité avec une agglomération ou un village – Absence d’obligation d’étendre l’urbanisation – Conformément à une jurisprudence constante (voir par exemple la Chronique de jurisprudence loi Littoral des mois de septembre et octobre 2023), la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ne fait pas obligation d’ouvrir à l’urbanisation des parcelles situées à proximité immédiate de parcelles déjà construites (CAA Nantes, 23 février 2024, n° 22NT01050).

Notion de secteur déjà urbanisé autre qu’une agglomération ou un village – Dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation est possible en continuité des agglomérations et des villages existants. Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, les constructions sont également autorisées à l’intérieur des secteurs déjà urbanisés. Cette notion a été précisée par le Conseil d’Etat qui a rappelé que les secteurs déjà urbanisés ne doivent pas être définis selon les mêmes critères que les agglomérations et les villages existants notamment pour ce qui concerne leur densité (CE, 22 avril 2022, Office public de l’habitat des Pyrénées-Atlantiques, n° 450229). Conformément à ce principe, la Cour administrative d’appel de Nantes juge, contrairement à la commune qui avait refusé le permis de construire, que le lieu-dit « le Bourgneuf » sur la commune de Pordic peut être qualifié de secteur déjà urbanisé. Le projet aurait toutefois pour effet d’étendre le périmètre bâti si bien que la Cour admet la substitution de motif demandée par la commune et confirme sur ce nouveau motif la légalité du refus de permis de construire (CAA Nantes, 6 février 2022, n° 22NT01214).

La parcelle YH n° 102 au sud du lieu-dit « le Bourgneuf » sur la commune de Pordic (photographie aérienne Géoportail)

Espaces proches du rivage

Notion d’espaces proches du rivage – Le Conseil d’État a rappelé que la délimitation des espaces proches du rivage devait reposer sur des critères de co-visibilité, de distance et de nature des espaces (CE, 3 mai 2004, n° 251534, Barrière). Cette définition a été précisée à l’occasion d’un recours dirigé contre la DTA des Bouches-du-Rhône. Le Conseil d’État a alors rappelé que pour déterminer si une zone peut être qualifiée d’espace proche du rivage, trois critères doivent être pris en compte : la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la co-visibilité entre cette zone et le plan d’eau (CE, 3 juin 2009, n° 310587, Commune de Rognac). S’agissant plus particulièrement du rapport de co-visibilité, l’arrêt « Commune de Rognac » précise qu’il n’implique pas que chacune des parcelles situées au sein de l’espace proche du rivage soit située en covisibilité de la mer, dès lors que ces parcelles ne peuvent être séparées de l’ensemble cohérent dont elles font partie. Conformément à ce principe, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un terrain situé à environ 600 mètres du rivage pour sa partie la plus proche, qui présente une vue sur la mer dont il n’est séparé que par quelques constructions peu nombreuses doit être regardé comme inclus dans un espace proche du rivage. La Cour ajoute que la circonstance que le projet ne serait pas visible du rivage, est sans incidence (CAA Bordeaux, 26 février 2024, n° 24BX00069).

Vue aérienne du terrain d’assiette du projet (Source : Google Earth)

Représentation des espaces proches du rivage dans le PLU – La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que ni les documents graphiques, ni le rapport de présentation du PLU, n’ont obligation de représenter les espaces proches du rivage. La Cour rappelle qu’il est toutefois loisible aux auteurs des PLU de le faire (CAA Marseille, 1er février 2024, n° 23MA00292). La même juridiction avait déjà jugé que la représentation de la bande de cent mètres n’était pas obligatoire (CAA Marseille, 18 juin 2010, n° 07MA00958, Fédération des espaces naturels et de l’environnement des Pyrénées-Orientales). J’avais développé cette question dans les fiches du GRIDAUH sur l’écriture des PLU.

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